La nuit de noël approche, le vent glaciale siffle dans les branches du grand sapin vert et transporte avec lui ses flocons de neiges par millier. Calfeutré derrière les rondins d'une cabane en bois, la théière siffle et la cheminée crépite. La dinde farcie aux airelles et aux abricots prend un bain de chaleur dans le four ronronnant tandis que les marrons chauds trônent sagement au centre d'une nappe dressé. Le gramophone tourne à plein tube : The Christmas Song de Nat King Cole succède à Santa Claus Bring My Man Black de Duke Ellington. Louis et Ella échangent quelques plaisanteries devant l'âtre du feu. Dans la maison, il flotte un air de fête.
Et si le Père Noël, sur son long chemin de neige blanche s'avançant avec sa canne dans la main, était un jazzman comme les autres ?
Si le Père Noël était un jazzman,
il serait un pianiste américain au ventre rond, issu d'une famille nombreuse et religieuse...
Bien que natif du grand Nord européen, c'est aux Etats-Unis que le Père Noël fut popularisé. Dans le sud de la Louisiane, les enfants l'appellent Papa Noël, tandis qu'à New-York, il est Saint Nick, Santa Claus ou Father Christmas. De façon tout à fait hypothétique, si le Père Noël était un jazzman, il aurait pu naître au Missouri, Kansas City par exemple, avant de déposer sa hotte dans Lenox Avenue, le coeur de Harlem à New-York.
Son père, le pasteur de l'Abyssinian Baptist, aurait onze enfants et voudrait qu'il devienne pasteur à son tour. A l'âge de six ans, garçon turbulent mais incroyablement doué, il serait fasciné par le piano de sa voisine, sensible aux chants religieux et particulièrement à l'orgue.
Un Père Noël qui n'aurait pas un peu d'embonpoint ne pourrait pas endosser le costume. Mais s'est-on déjà demandé pourquoi le Père Noël a tant de difficultés pour entrer par le conduit de nos cheminées ? Peut-être, en raison de l'aggravation de sa boulimie, après que sa mère dut être évacuée de chez elle par un treuil car son obésité lui interdisait de franchir la porte d'entrée, alors qu'il n'avait que 16 ans. Déjà, ses amis oubliaient son prénom, Thomas Wright, pour lui trouver un surnom plus évocateur...
Si le Père Noël était un jazzman,
il serait généreux, adoré des enfants de tout âge et il verrait du pays...
Habitué de Broadway, son charisme, sa gentillesse et son éternelle bonne humeur feraient de ses apparitions un spectacle merveilleux. Parfois il lui arriverait de céder un chef d'oeuvre pour presque rien. Certains affirmes que On the sunny side of the street, I can't give you anything but love ou encore If I had you seraient de sa composition.
Les enfants de tout âge l'adoreraient. De gentils gangsters pourraient le kidnapper sous la menace d'une arme avant de le jeter dans une grande limousine, simplement pour l'offrir en cadeau d'anniversaire à leur patron : Al Capone.
Enfin, la distribution des cadeaux à bord de son traîneau volant tiré par des rennes l'entraînerait à Paris en 1931, où il se produirait dans quelques clubs, mais aussi au Royaume-Unis entre 1938 et 1939, où il serait reçu en triomphe, invité dans l'une des premières émissions de la BBC.
Vous l'aurez compris, si le Père Noël était un jazzman, il serait pianiste, organiste, chanteur et chef d'orchestre. Si le Père Noël était un jazzman, il serait populaire et généreux. Si le Père Noël était un jazzman, il serait le grand maître du swing et du stride. Si le Père Noël était un jazzman, il serait Thomas Wright Waller, alias Fats Waller !