" DRUMMER MOTION "
Mardi 22 novembre 2011, très tôt dans la matinée, Paul Motian s'est éteint à l'âge de 80 ans. L'annonce de sa mort par la peintre Carole d'Inverno a suscité d'importantes réactions de tous ceux qui l'avaient côtoyé et admiré. Le batteur-percussionniste faisait figure de géant artistique depuis plus d'un demi siècle. Avec la disparition de ce jazzman légendaire, c'est tout un pan de la musique qui s’effondre devant nos yeux.
A l'aube des années 1950, Paul Motian est un jeune batteur d'origine arménienne qui cherche encore sa voie. Il fréquente assidûment le pianiste de be bop George Wallington et le réalisateur Jerry Wald chez qui il rencontre un certain Bill Evans. Entre les deux hommes, l'osmose est immédiate. Ils ont tous les deux la vingtaine, finissent leurs services militaires et écument les clubs de New York avec l'espoir secret de percer dans le milieu très florissant des musiciens de jazz. Ensemble, ils admirent Bud Powell, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Nat Kong Cole et Max Roach et croquent la Grosse Pomme à pleine dents.
En 1959, Bill Evans forme un trio régulier apte à servir de laboratoire musical pour ses conceptions prometteuses. Naturellement, Paul Motian tiendra la batterie, la contrebasse est dévolue à Scott LaFaro qui a déjà une solide expérience pour avoir joué dans le quintet de Chet Baker entre 1956 et 1957. Avec Portrait in Jazz (1959), Explorations (1961) puis Waltz for Debby et Sunday at the Village Vanguard (1961), le trio prend une tournure que personne n'aurait pu prévoir et ouvre grand les portes du jazz moderne. La perfection est atteinte, sublime mais cruellement brève. Seulement dix jours après l'enregistrement au Village Vanguard, Scott LaFaro trouve la mort au volant de sa voiture. Chuck Israels puis Gary Peacock, bien que n'étant pas de piètres contrebassistes, ne parviennent pas à remplacer l'ami perdu. La magie du Trio eut été éphémère. Bill plonge la tête la première dans la cocaïne tandis que Paul poursuit sa route. Il est alors un des batteurs de jazz les plus en vue de sa génération.
Après avoir décliné une proposition de John Coltrane, le batteur joue avec Paul Bley et la nouvelle génération de musiciens, apôtres du free jazz en tête : Albert Ayler, Don Cherry et Pharoah Sanders. A partir 1970 Paul Motian ne se refuse plus rien et enregistre la bande-son de Punishment Park, le long métrage réalisé par Peter Watkins, puis participe à l'enregistrement du mythique opéra Jazz Escalator Over The Hill. Sans cesse en alerte, toujours en questionnement, Paul Motian devient le batteur régulier du trio de Keith Jarrett en 1974 avant de s'illustrer comme soliste chez ECM avec l'album It Should've Happened A Long Time Ago (1984), en compagnie de Bill Frisell et Joe Lovano. A la fin des années 1990, atteint d'une maladie de la moelle osseuse, il fonde le Trio 2000 + 1 avec comme membres réguliers Chris Potter au saxophone et Larry Grenadier à la contrebasse.
On savait l'homme malade et affaibli mais cela ne l’empêchait en rien de perfectionner son art. Cloîtré à New York et bien que rongé par la maladie, Paul Motian a accueilli jusqu'à la fin les plus grands musiciens en quête de savoir. Paul Motian était bien plus qu'un simple batteur de jazz. Son jeu de balais était reconnaissable entre tous tant la délicatesse de son touché cajolait nos oreilles. Sous ses mains expertes, les baguettes devenaient des pinceaux traçant couleurs et ambiances langoureuses. Peu bavard, celui qui préférait s'exprimer à la lueur de sa sensibilité artistique était un poète de la musique.
Ecouter : Deezer Discographie de Paul Motian
Par Mathieu Beaufrère
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